Une nouvelle étape vers l’autonomie de gestion
Conclusion d’une convention-cadre
entre le Collège des cours et tribunaux et le ministre de la Justice
Le Collège des Cours et tribunaux a annoncé la conclusion d’un accord historique avec le ministre, en mai 2018
Voici une première analyse de l’ASM concernant les enjeux de cet accord.
Il semble que les chiffres suivants soient essentiels : actuellement la part du budget consacrée aux dépenses de personnel s’élève (rien exclu ni excepté) à 387 M° €. Lors du transfert en 2020, cette part s’élèvera à 452 M° €, soit une augmentation de 65 M° €. Cette somme correspond selon les calculs manifestement irréprochables du Collège aux cadres légaux remplis à 100 % (y compris les augmentations de cadre destinées à résorber l’arriéré judiciaire). 11 M° € sont prévus pour renforcer le service d’appui du Collège, 27 M° pour les frais de fonctionnement (hors bâtiments) et 30 M° pour l’informatique. Au total, le siège percevra une enveloppe de 520 M° en regard des 450 M° actuels.
Cette enveloppe de 520 M° est par principe liée à l’augmentation des salaires (selon la règle classique de l’indice-pivot). C’est un point positif.
Le terme « enveloppe » est utilisé dans la mesure ou l’objectif du politique est de basculer des cadres vers des enveloppes budgétaires allouées au Collège, nous l’avons bien compris.
Le budget ICT passe de 16 à 30 millions ; ce n’est pas rien.
En ce qui concerne le remplissage des cadres, nombre de juridictions n’atteignent évidemment pas aujourd’hui les 90 et 87 % précités (notamment en raison des retards de publication des vacances d’emplois) mais le collège garantit que toutes les juridictions seront pourvues en effectifs à au moins 90 et 87 %, étant acquis que certaines n’ont pas ou plus besoin de plus ; le collège appréciera et répartira les effectifs entre les juridictions mais, insiste-t-il, les 100 % sont acquis pour l’ensemble..
Selon les calculs effectués, cela reviendra à faire usage d’une somme de 25M° prélevée sur les 65 M° supplémentaires prévus pour le personnel. Le remplissage à hauteur de ces quotas est garanti même en cas de baisse de la charge de travail (diminution des dossiers entrants). Les autres 40 M° sont destinés à renforcer les effectifs là où c’est nécessaire notamment pour résorber un arriéré trop important, sachant que le ministre attend que sur la durée du contrat (3 ans) les affaires dont le délai de traitement excède un an soient résorbées à concurrence de 10 %. (Ainsi pour les affaires dont le délai de traitement est de 2 ans, le ministre attend que ce délai soit diminué d’une durée de 1,2 mois [12/10]).
Au niveau des indicateurs, il n’est pas trop tard pour insister sur l’importance de la qualité et de l’écoute, ou toute autre aspect humain de notre office.
La question de l’illégitimité de la baisse de l’input est une question politique qui doit être combattue sur un autre plan.
Certes, il aurait été préférable que les cadres soient non seulement garantis à 100 % mais qu’en outre une réserve de démarrage soit constituée permettant d’atteindre des objectifs de résorption sans être obligés de jongler avec les effectifs existants, mais cette formule a été d’emblée rejetée par le ministre.
Le Collège a manifestement fait tout son possible pour imposer le maximum de ses vues. Il estime avoir réussi et que la majeure partie des revendications du projet de juillet 2017 est rencontrée (pour une analyse de ce projet, voir M. Cadelli, « Gestion financière de la Justice et standards démocratiques : un appel à la vigilance », J.T. 2018, p. 325).
La crainte est donc que cette occasion qui conjugue re-budgétisation et autonomie ne se présente plus. Il est donc proposé de prendre le risque de s’engager dans cette voie de l’autonomisation à des conditions qui semble-t-il ont été négociées au mieux de ce qu’il était possible d’obtenir, avec la perspective de mieux garantir notre indépendance et de faire un usage plus efficace des budgets alloués et hors de tout arbitraire et aléa dans la répartition des effectifs.
Soit l’on renonce à cette occasion avec la crainte que les conditions qui seront imposées ultérieurement soient pires et qu’une véritable autonomie comme celle proposée ici soit définitivement exclue. Le danger est donc que si la transition n’est pas conclue sous cette législature (ce qui signifie pour le politique qu’une autonomie concertée et négociée n’est pas possible), elle ne le sera plus ultérieurement.